On s’est pointé vendredi au stade Fonte Nova de Salvador de Bahia pour voir des Bleus traverser une sorte d’état de grâce, nettoyant en moins d’une mi-temps (5-2 au final) la sélection suisse sous une chaleur de bête, un bon 30° C à l’ombre. On peine à distinguer les uns des autres tant chacun, à son niveau, a survolé l’affaire. On est cependant tombé sur un patron : le sélectionneur tricolore Didier Deschamps, qui avait deux coups fumants en magasin.
Le premier : le milieu Paul Pogba au frigo, au bénéfice de Moussa Sissoko, le Turinois pouvant ainsi méditer sur cette indiscipline chronique qui aurait pu lui valoir une fâcheuse expulsion contre le Honduras (3-0, dimanche dernier).
Le second, encore plus fort : Olivier «Tartiflette» Giroud a surgi du placard où il comptait les jours pour remplacer Antoine Griezmann devant, contraignant dès lors la vedette tricolore Karim Benzema à défendre dès la perte du ballon sur rien moins que le meilleur joueur suisse, le latéral droit Stephan Lichtsteiner.
A moins que l’astuce n’ait consisté à faire l’inverse : obliger le défenseur de la Nati à se coltiner Benzema, limitant d’autant ses envies d’ailleurs sur le flanc droit - le Madrilène est de ces joueurs que l’on ne lâche jamais. Ou d’envoyer Giroud au tas sur le point faible (supposé) des Suisses ; la défense centrale Johan Djourou (le grand) et Steve von Bergen (le moins grand). Lequel Bergen disparaît après quelques minutes, Olivier Giroud ayant laissé traîner sa pointure 47 sur son visage : le punch du Gunner est décidément viscéral. Il se mesure aussi en terme de but : un monstrueux coup de casque - son front est aussi large que ses pieds sont grands - permet à Giroud d’ouvrir la marque sur un corner de Mathieu Valbuena (1-0, 17e).
Boussole. Les Suisses sont tout chose. Ils ne savent plus dans quel sens il faut attaquer ou défendre, ni même si ça sert encore à quelque chose. Leur boussole, Valon Behrami, lance… Benzema dans l’espace, lequel sert Blaise Matuidi sur sa gauche, qui trompe le portier suisse côté fermé : 2-0, 18e. Le match est mort. Bénéficiant d’un pénalty généreux, Karim Benzema le prend par-dessus la jambe - trois pas d’élan seulement - et le rate, Yohan Cabaye canonnant la barre transversale dans la foulée (34e). Les Suisses assurent leurs transmissions à deux à l’heure, comme des grands blessés réapprenant à marcher. Sur un corner adverse, il suffit d’une passe (de Raphaël Varane) et d’une course (d’Olivier Giroud, toujours lui) pour voir les Bleus mettre le troisième pion de la soirée, l’avant-centre d’Arsenal trouvant Valbuena seul face au but (3-0, 40e) et assurant une sorte de remboursement de la passe décisive du premier but - jamais mauvais pour l’ambiance, ce genre d’aller-retour. Trois-zéro aux citrons et l’impression que l’équipe de France battrait les Suisses dix fois sur dix.
Plaisir. Dégagée de tout enjeu - but de Benzema sur une passe de Pogba (4-0, 67e et un sixième refusé car après le coup de sifflet final), puis de Moussa Sissoko sur passe de Benzema (5-0, à la 73e) et réduction du score de Blerim Dzemaili (5-1, 81e) et de Granit Xhaka (87e) -, la seconde mi-temps aura permis d’apprécier ce qui, au fond, sautait aux yeux depuis des semaines : le plaisir que les Tricolores prennent à jouer ensemble. Il semble égal dans tous les domaines : récupération, la création, la compensation pour prendre la place d’un équipier en retard… Dans un tel contexte, les efforts doivent être bien légers. Le côté totalement imprévisible des initiatives françaises n’est pas neuf non plus, mais côté tribunes, ça va de plus en plus vite et le marquage adverse est de moins en moins serré. Jeudi, le coach suisse Ottmar Hitzfeld a lâché un truc sur les Bleus : «Ils avancent comme une machine.» On s’est gratté la tête : double vainqueur de la Ligue des champions, septuple champion d’Allemagne, Hitzfeld n’est pas n’importe quel général. Et la Suisse de Shaqiri ou Inler n’est pas n’importe quelle équipe non plus. Pour l’heure, il est clair que les Bleus ne sont pas bons à prendre, mais alors pas du tout.
Par Grégory Schneider Envoyé spécial à Salvador de BahiaSuisse-France2-5 Pour la France : Giroud (17e), Matuidi (18e), Valbuena (40e), Benzema (67e), Sissoko (73e). Pour la Suisse : Dzemaili (81e), Xhaka (87e).